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Julien Rosanvallon (Médiamétrie) : « Les annonceurs ont clairement exposé leur souhait de voir l’audience des plateformes vidéo mesurée »

Julien Rosanvallon (Médiamétrie) : « Les annonceurs ont clairement exposé leur souhait de voir l’audience des plateformes vidéo mesurée »

Interview du lundi. Julien Rosanvallon, directeur général adjoint de Médiamétrie a répondu aux questions de 100%Media : mesure d’audience des plateformes de streaming, nouvelle mesure d’audience radio, évolution du marché des médias… Il détaille les projets du grand acteur de la mesure d’audience.

100%Media : En cette rentrée 2022, quels sont les enjeux majeurs pour Médiamétrie ?

Julien Rosanvallon : D’une manière générale, l’un de nos défis est d’adapter en permanence nos mesures aux évolutions des offres de contenus et aux comportements du public.

Dans une période de grands changements de l’écosystème et des usages, cette rentrée est clé pour nous. Elle comporte de nombreux jalons pour des projets qui arrivent à leur terme ou sont en cours, mais donne aussi le départ de nouveaux grands projets.

Depuis début septembre, nous avons introduit un dispositif de mesure automatique de la radio dans l’étude EAR au sein du volet qui analyse les comportements d’écoute (EAR Insights). Le nouveau dispositif de mesure d’audience Radio combine ainsi désormais plusieurs sources. Ces résultats alimenteront notamment les outils de médiaplanning et permettront une plus grande finesse dans les analyses éditoriales. C’est une bonne nouvelle pour les acteurs de cet écosystème.

Par ailleurs, nous avons annoncé cet été le lancement d’un projet ambitieux de mesure des plateformes SVOD et Vidéos d’ici deux ans.

En parallèle, nous poursuivons la transformation de la mesure d’audience de la télévision avec :

La mesure de la télévision sur tous les lieux et tous les écrans : la prise en compte de temporalité plus large pour s’adapter aux nouvelles stratégies éditoriales des chaînes et plateformes, la mise en place de systèmes qui sauront intégrer les données de voie de retour des opérateurs télécoms pour produire des mesures avec des niveaux de détails importants et la poursuite de notre projet de mesure Cross-Médias publicitaire. Nous avons là aussi pris des engagements forts

Tous ces projets montrent une accélération stratégique opérée par Médiamétrie pour le marché.

100%Media : Votre prochain défi est la mesure des audiences des plateformes de streaming. Votre PDG a annoncé que vous alliez lancer une mesure des Netflix, Disney+, MyCanal… Pourquoi y aller seulement aujourd’hui ?

Julien Rosanvallon : En réalité, nous mesurons les usages des plateformes depuis plusieurs années. Mais cette mesure se fait avec des dispositifs déclaratifs. Ces derniers permettent de donner une bonne vision d’ensemble, mais n’ont pas la finesse des mesures automatiques comme celle de la télévision.

Compte tenu de la maturité du marché, de l’importance de ces plateformes et de leur entrée annoncée sur le marché publicitaire français, il devient nécessaire de pouvoir proposer une mesure automatique avec des caractéristiques comparables à celle du Médiamat.

Aujourd’hui, le marché a besoin d’audiences objectives, communes, partagées et acceptées par l’ensemble des acteurs. Il n’y a qu’un seul chronomètre en finale du 100 mètres.

Il nous aurait été tout à fait possible de réaliser une mesure automatique il y a quelque temps si ces plateformes avaient accepté d’être mesurées. Cela n’a pas été le cas jusqu’à présent.

C’est pour cette raison que nous avons réfléchi à la mise en œuvre d’un système qui permettra de mesurer les audiences des programmes diffusés par ces acteurs de la SVOD, avec ou sans leur accord. Même si d’un point de vue très pragmatique, nous espérons les convaincre de l’intérêt d’une telle mesure. Je suis d’ailleurs persuadé que l’arrivée prochaine de la publicité contribuera à les faire adhérer à ce projet.

100%Media : À quelle échéance ?

Julien Rosanvallon : Nous avons pris l’engagement de produire les premières mesures d’ici deux ans.

100%Media : Comment allez-vous procéder techniquement si les plateformes ne souscrivent pas à cette mesure ? (Comme le font aujourd’hui les TV et radios). Ont-elles réagi à l’annonce de ce projet ? Qui va financer ?

Julien Rosanvallon : Nous n’avons pas eu de réaction officielle à ce stade, mais nous avons reçu quelques signaux positifs. Comme je vous l’indiquais, je crois fondamentalement à leur intérêt à souscrire à une telle mesure et en notre capacité à les convaincre.

Il y a un argument publicitaire. Les annonceurs ont clairement exposé leur souhait de voir l’audience des plateformes vidéo mesurée dans un système Cross-Médias qui regroupe tous les contacts vidéo avec un système de mesure commun.

Par ailleurs, l’audience est un outil d’analyse et de veille pour comprendre l’univers concurrentiel qui dépasse largement le cadre de ce qu’ils observent sur leurs applications. Dans un contexte de concurrence croissante sur ce segment de marché, ces données seront clé.

D’autre part et plus fondamentalement, la mesure d’audience apporte de l’intelligence aux seules datas propriétaires dont disposent aujourd’hui les plateformes. En effet, les mesures d’audience que produit Médiamétrie sont les seules à pouvoir réellement identifier qui regarde un contenu. L’auto-mesure dont disposent les plateformes identifie seulement des comptes d’utilisateurs mais pas une vraie audience au sens individu. Lorsqu’un foyer regarde une série ou un film en famille, il faut bien choisir un compte. Mais ce compte ne donne aucune indication sur la présence des membres du foyer devant l’écran. Ceci est un enjeu clé, tant dans les analyses éditoriales que publicitaires. Et seules les mesures d’audience savent répondre à cette question de l’individualisation de la consommation.

Nous sommes donc raisonnablement confiants dans notre capacité à faire adhérer l’ensemble des parties prenantes de cet univers TV & Vidéo à ces nouvelles mesures. Pour illustrer cela, j’apporte une précision à mon propos initial en rappelant que nous travaillons déjà avec certaines plateformes comme YouTube dont nous mesurons l’audience sur les écrans digitaux depuis quelques années.

100%Media : Les chiffres seront-ils dévoilés au grand public ? Qui aura accès à ces chiffres ? À quelle fréquence ?

Julien Rosanvallon : Les modalités de communication et de partage ne sont pas encore définies. Nous avons l’ambition de produire des résultats quotidiens qui permettront d’identifier les plateformes et les contenus. Nos souscripteurs y auront accès en priorité. Il y aura très certainement des analyses que nous diffuserons au public, mais ce contenu n’est pas encore défini.

 

100%Media : Votre PDG Yannick Carriou a dit récemment au Figaro que les premières mesures réalisées par votre homologue britannique montre que “la consommation sur les plateformes n’est que de 30 minutes par jour contre 3 h 30 en télévision”. Ce n’est pas le tsunami annoncé, les médias traditionnels restent très dominants ». Pensez-vous qu’il en sera de même en France ? 

 Julien Rosanvallon : Oui, en effet, au Royaume Uni, la consommation de la vidéo à la demande (SVOD) représente environ 30 minutes par jour. Rapporté au 3h30 de télévision et au total des usages vidéo, cela représente environ 10% des usages.

C’est assez proche de ce que l’on observe en France dans notre baromètre sur la SVOD.

Il est intéressant de noter que les usages des plateformes de SVOD ont beaucoup augmenté au cours des 2/3 dernières années, notamment avec les confinements. Néanmoins depuis le début de l’année, la croissance de ces plateformes semble ralentir.

Il est toutefois difficile de faire des projections sur ce qui se passera demain. Les plus jeunes utilisent ces plateformes de façon plus importante que leurs ainés. Il y a un vrai effet de génération. Mais nous savons aussi que les médias et les pratiques culturelles sont soumis à un effet d’âge. Les usages de demain résulteront de cette intersection entre un effet d’âge et de génération.

Mais quelles que soient ces projections, cela renforce notre constat et de notre volonté de fournir au marché une juste mesure, commune et référente, qui permettra de comprendre précisément ces évolutions.

100%Media : Allez-vous lancer une plus grande réforme de l’audience de la TV publiée quotidiennement (alors qu’on sait que des mesures sont réalisées en temps réels et vendues par certains opérateurs comme SFR) ?

Julien Rosanvallon : Nous sommes persuadés de l’intérêt des mesures dites hybrides pour la télévision qui tirent parti de nos panels, mais aussi des datas des opérateurs télécoms. Dans un univers où les usages sont de plus en plus fragmentés, la DATA des opérateurs est un vrai atout pour enrichir nos mesures par panels.

C’est pour cela que nous avons signé un accord avec la plupart d’entre eux pour avancer sur ce sujet. Nous sommes en train de travailler sur un prototype reposant sur ces données. Les résultats de ces travaux seront partagés avec nos clients dans les mois à venir.

100%Media : Vous avez revu, a minima, la mesure de l’audience de la radio qui est devenu EAR (Etude Audience Radio) avec des changements notamment sur le Médialocales (qui mesure les audiences par région, départements et villes). Quel bilan faites-vous de cette première saison radio ?

Julien Rosanvallon : En effet, depuis septembre 2021, et en amont de l’introduction de la mesure automatique, la mesure d’audience de la radio a été renouvelée et optimisée par une simplification du plan de sondage avec une base unique de répondants pour les mesures nationales et locales.

La priorité était de conserver la robustesse de l’étude avec un échantillon très important – 100 000 personnes, pour rendre compte de la pluralité et de la diversité du paysage radiophonique sur l’ensemble du territoire. Cette évolution a permis d’interroger la population très majoritairement sur mobile, de renforcer l’échantillon Ile-de-France et de produire des résultats sur l’ensemble des départements, contre 72 auparavant, hors Ile-de-France sur un total de 96 + 4 outremers. Par ailleurs, nous continuons à mesurer la consommation de la population de près de 100 agglomérations.

Les retours sont satisfaisants avec cette première saison sous la nouvelle mesure.

100%Media : Où en êtes-vous dans le lancement de la mesure radio par IP ? Médiamétrie avait dévoilé un petit objet s’appuyant sur le watermarking, mais celui-ci avait montré ses limites comme la détection de l’écoute au casque. Le projet est-il toujours d’actualité ? Allez-vous sortir de la mesure par sondage téléphonique ?

Julien Rosanvallon : Médiamétrie, en concertation avec les acteurs du marché, a en effet lancé début septembre un système automatique, l’AIP – Audimétrie Individuelle Portée – pour la radio dans le cadre de l’étude EAR > Insights. Ce dispositif repose sur un panel permanent de plus de 5000 individus équipés d’un audimètre miniature RateOnAir, qui identifie l’ensemble des écoutes Radio tout au long de la journée grâce à une marque inaudible insérée dans le son des radios. L’intérêt d’un tel panel est la capacité plus fine d’analyse qu’il permet, mais aussi sa capacité à produire des analyses longitudinales (notamment l’accumulation d’audience dans le temps). Les premiers résultats sont prévus début décembre.

Médiamétrie a ainsi, en une année, fait évoluer l’ensemble de la mesure radio, devenue EAR (Etude Audience Radio), en combinant le meilleur des différentes méthodologies de collecte – déclarative et automatique. EAR > Insights permet de donner de la profondeur aux résultats d’audience sur un jour moyen de l’étude nationale, en fournissant sur une période longue des analyses de régularité d’écoute, la couverture des stations sur plusieurs jours ou encore les duplications d’écoute entre stations.

100%Media : Vous allez, pour la première fois, co-organiser un événement commun avec l’ACPM autour de l’audio (InnovAudio Paris, le 7 décembre). Cela présage-t-il de futures collaborations autour des mesures d’audience avec l’ACPM (qui certifie les audiences de radios sur le digital et les podcasts) ?

Julien Rosanvallon : Nous sommes en effet ravis de co-produire l’événement InnovAudio avec l’ACPM. Cela fait plusieurs années que Médiamétrie et l’ACPM collaborent sur de nombreux sujets car nous sommes très complémentaires. Notre rapprochement dans l’univers de l’audio a du sens et donnera plus de clarté au marché. Mais cette collaboration n’est pas la première puisque nous avons depuis de nombreuses années une collaboration sur la production de nos mesures Internet hybrides qui utilisent des données de l’ACPM. Par ailleurs les données de notre mesure d’Audience Internet Global sont utilisées par notre partenaire KANTAR pour le compte de l’ACPM pour produire la mesure d’audience One qui consolide les audiences de la presse en version PRINT et en numérique.

100%Media : Comment voyez-vous le rôle de Médiamétrie dans un marché en pleine mutation ? Des alliances internationales ne deviennent-elles pas vitales pour affronter ce monde dominé par les GAFA ?

Julien Rosanvallon : Je pense que l’ADN et le positionnement assez unique de Médiamétrie en font une force pour répondre aux nombreux enjeux actuels du marché.

Nous avons un ADN cross-médias puisque nous mesurons la TV, la Radio, le digital, la Vidéo et contribuons à la mesure de la Presse. Cette position est assez unique. Nos homologues mesureurs TV ou Radio en Europe ne font généralement la mesure que d’un seul média. A un moment où la convergence devient nécessaire, c’est un atout important pour répondre aux enjeux des médias, des plateformes, des agences, des régies, des annonceurs et des régulateurs.

Par ailleurs, Médiamétrie a développé des systèmes de mesure qui reposent en partie sur un savoir-faire technologique, méthodologique et scientifique fort développé en interne (notamment nos audimètres de mesure automatique et nos modèles statistiques), mais aussi un maillage fort de partenaires internationaux. Nous collaborons ainsi avec tous les grands acteurs de la mesure d’audience dans le monde Nielsen, Kantar & Gfk.

Tout cela fait que Médiamétrie a accès au meilleur des technologies et nous donne en même temps le contrôle et la souveraineté nécessaire pour nos mesures.

Nous nous appuyons sur ces différentes forces pour mener nos nouveaux projets de mesure.

Par ailleurs, je dirais que nous ne voyons pas les GAFA comme des concurrents. Ce sont des acteurs clés dans un écosystème que nous devons mesurer. Ce sont aussi de futurs clients de nos mesures. Certains d’entre eux y souscrivent déjà.

Propos recueillis par François Quairel

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