Le SNPTV a organisé le 14 février dernier le premier numéro d’une nouvelle série de conférences différentes, Cultur’TV. Monique Atlan et Roger-Pol Droit débattaient sur le thème «Tablettes antiques et cerveaux à venir».
Débrief d’Yves Simeon qui dirige le nouveau Reload indépendant :
Le SNPTV organise un programme de conférences dont l’objectif est de REflechir sur les mutations de notre époque. La semaine dernière la conférence s’intitulait «Tablette antiques et cerveaux à venir» ; on devine dès la lecture du sujet que le projet est ambitieux !
Véritable «contre programmation», ce type de conférence a un seul objectif se REsourcer, essayer de mieux comprendre notre environnement. Mon cerveau qui a une fonction nostalgie très active me somme de fermer les yeux et de m’immerger dans cette ambiance de salle de classe (tant pis pour ceux qui continuent à pianoter sur leur BlackBerry).
30 philosophes, 20 neuroscientifiques… Roger-Pol Droit et Monique Atlan nous embarquent dans une incroyable odyssée reliant la Grèce antique à la Californie ! Pas facile de s’y retrouver quand deux érudits essaient de synthétiser 2 ans de voyages et un livre (offert à la sortie) de plus de 600 pages !
Ce qui interpelle dans le mode de présentation de nos amis, c’est la modestie de leur démarche, qui semble être aux antipodes de celle des publicitaires. Au «je suis convaincu» des pubards s’opposent ici beaucoup de prudence et de modération. Peut-être vivons-nous une révolution, mais nous n’en sommes qu’au début.
Le pitch de la conférence est simple : «Le fonctionnement du cerveau est-il proche du fonctionnement de l’Internet ?» sujet traité par Roger-Pol Droit et «Le fonctionnement de la mémoire est-il impacté par les NTIC ?», sujet présenté par Monique Atlan.
Concernant la première question la réponse est claire : chaque époque voit le fonctionnement du cerveau à l’image de sa représentation du monde. Au 18ème siècle le corps était une horloge, au 19ème siècle la machine à vapeur était la référence, au 20ème siècle les centraux téléphoniques et l’ordinateur sont les modèles dominants, il est donc naturel que l’Internet soit le schéma dominant du 21ème siècle.
Vous avez certainement déjà vu ces images illustrant le trafic sur Internet par un réseau de points et de lignes plus ou moins épaisses et multiples et l'on ne peut s’empêcher d’y voir le fonctionnement inter neuronal (chaque point / site représentant un neurone). Tous ces parallèles sont réducteurs. Notre niveau de connaissance du cerveau ne nous permet pas de valider ces schémas simplificateurs. Le cerveau se fabrique au fur et à mesure de son existence sur un modèle qui n’est pas unique.
Concernant la seconde problématique, un premier constat : Internet change notre façon d’accéder à l’information. Le Web joue de plus en plus le rôle de «disque dur externe» pour notre cerveau, celui-ci se concentrant sur le chemin pour accéder à l’information vs l’information elle-même. «Je ne dois plus me rappeler le détail de la recette de ma tarte au citron préférée, mais où j’ai vu/lu cette recette». Une chose me frappe : cette notion de chemin mémoriel est centrale pour notre métier. L’enjeu de la communication n’est plus uniquement d’impressionner coûte que coûte le cerveau avec une image, mais de lui présenter des informations ayant une source/signature très bien identifiée qui lui permette d’y accéder au moment de la prise de décision. L’importance du chemin permet de comprendre l’impact des canaux et de leur choix dans la trace mémorielle finale et en particulier pourquoi les consommateurs arrivent à restituer l’origine du chemin de conviction : «tu te rappelles cette publicité on l’a vue ensemble avant le match.»
La Mémoire est aussi, et surtout, un processus émotionnel. Le cerveau ne fonctionne pas sans le corps.
Pour Roger-Pol Droit, les limites des recherches en intelligence artificielle dont le principe était la Recréation des performances du cerveau comme pure machine, montre que cet organe n’est pas un simple connecteur, producteur de logique.
Dans tous les cas la Mémoire est un processus actif : le cerveau décide ou non de stocker l’information. Nous devons donc changer de modèle et d’approche de la répétition du message. Il ne s’agit pas d’enfoncer un clou dans le cerveau du consommateur : la répétition doit davantage être pensée comme le moyen de maximiser les chances de rentrer en contact avec le consommateur dans les bonnes conditions.
Si l’on part du principe (suite aux travaux de Morian Cerf) que chaque chemin logique et chaque émotion sont stockés dans un neurone, on pourrait presque se risquer à penser qu’il existe un neurone SFR, Orange ou Bouygues… reste simplement à l’activer (il a démontré qu’il y a un neurone Marilyn).
Notre objectif n’est donc pas de marteler toujours le même message auprès des ménagères, mais de rentrer en contact avec leurs neurones, en partant du principe que le cerveau n’a pas un fonctionnement mécanique, mais peut se révéler très capricieux. Plus on s’enfonce dans la compréhension du cerveau, plus on est obligé de faire le pari du libre-arbitre des individus. Comme le disait Carte Noire «ce café est vraiment le meilleur café du monde, mais c’est à vous (ou plutôt à vos neurones) de décider» …
Faites le pari des conférences SNPTV. Vous perdrez peut-être une heure, mais gagnerez probablement une année dans la compréhension de nos métiers.
A lire : «Humain» chez Flammarion, à la fois voyage philosophique, livre sur les mutations en tous genres ou tout simplement livre de belles histoires sur l’Homme.
Un humain dont la représentation est de plus en plus mobile, fluide, liquide. Un humain en pleine révolution qui modifie chaque jour un peu plus sa manière de réfléchir et de travailler. Une véritable REvolution en devenir…
A voir : Prochaine conférence SNPTV sur le concept de la Vitesse.
