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Libération fête ses 50 ans : « le journal le mieux écrit de France »

Libération fête ses 50 ans : « le journal le mieux écrit de France »
Serge July et Dove Alfon, respectivement co-fondateur et actuel patron de Libé.

Fixé au 18 avril, l’anniversaire du quotidien Libération est marqué par la sortie d’un hors-série, « 50 ans, 50 combats ». Interviews croisées entre l’ex-patron emblématique Serge July et l’actuel Dove Alfon.
Lancé en 1973, sous l’égide Jean-Paul Sartre, avec des maoistes et des libertaires de 1968, le quotidien a lutté pour survivre en 50 années d’existence. Sa porte est de plus en plus ouverte aux investisseurs financiers, comme le rachat puis la revente par Altice ou le prêt de Daniel Kretinsky, loin de l’autogestion des débuts.

L’un a cofondé Libération en 1973, l’autre le dirige actuellement : aux deux bouts de ce demi-siècle d’existence, Serge July et Dov Alfon disent leur « joie » de fêter le cinquantième anniversaire du quotidien de gauche.

« Libération est l’enfant de 68. Je ne faisais pas de projet au-delà des années 70, on ne voyait pas très bien ce qu’il y avait derrière, à quoi ressemblerait le monde », se souvient Serge July.

Ce cinquantenaire fait souffler « un grand vent d’optimisme et de joie », renchérit Dov Alfon, en soulignant la bonne passe actuelle du journal.

Avec 96.500 exemplaires vendus en moyenne chaque jour, Libé, qui a redonné une plus grande part aux enquêtes, revendique la plus forte progression des quotidiens nationaux en 2022 (+6,86%).

July, 80 ans, fait partie de ses cofondateurs, avec le philosophe Jean-Paul Sartre, et en a été l’emblématique directeur de 1974 à 2006. Alfon, 62 ans, a été nommé à ce poste en 2020 (« un très bon choix », salue son illustre prédécesseur), après avoir longtemps travaillé pour le journal israélien Haaretz.

Entre changements d’actionnaires et baisse des ventes, « Libération a traversé beaucoup de crises, a été menacé plus d’une fois d’une fin de parution », rappelle son directeur actuel. « Au fil des années, on pouvait se demander s’il fêterait son 50e anniversaire ».

Poussé dehors en 2006 par l’actionnaire de l’époque, Edouard de Rothschild, July juge aujourd’hui les crises internes « secondaires ».

« On a plutôt traversé des crises de la presse, avec des révolutions aussi importantes que l’invention de l’imprimerie », estime-t-il, en citant le basculement du papier vers le numérique.

Reste-t-il des points communs entre le Libé d’hier, issu de la contre-culture, et celui d’aujourd’hui ?

Pour Alfon, il demeure « le journal le mieux écrit de France » : « Serge l’avait inventé comme ça ».

Le sociétal et le culturel restent la structure sur laquelle repose le journal

Serge July

Son aîné, lui, souligne que « le sociétal et le culturel restent la structure sur laquelle repose le journal ».

C’est lui qui a fait prendre cette inflexion à Libé en 1981, en « rompant avec le gauchisme » des débuts. A l’époque, pour « opérer cette transformation », le quotidien avait cessé de paraître pendant trois mois. « C’était très violent », se rappelle July.

Depuis son origine, Libé a aussi la réputation d’être une rédaction où l’on s’engueule beaucoup. Vrai ou faux ?

« Il y a quelques histoires célèbres, une machine à écrire qui vole, une table renversée. Mais c’est exagéré, aussi bien pour les premières années que pour aujourd’hui », assure Alfon, un sourire dans la voix.

Pour autant, « les débats peuvent être vifs », concède-t-il. Cela a été le cas avant le deuxième tour de la présidentielle de 2022 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, pour déterminer si Libé devait prendre position.

« Certains jugeaient l’idée du barrage hypocrite, d’autres trouvaient choquant de laisser planer la possibilité de s’abstenir ou de voter blanc », se souvient Alfon.

Finalement, Libé avait clamé en Une « Contre l’extrême droite, votons », avec un bulletin Macron. Un choix explicité dans un édito de son directeur.

Ce dernier reconnaît par ailleurs que la rédaction est aujourd’hui traversée par les mêmes clivages que la gauche française, autour des notions d’universalisme et de laïcité : certains les défendent et d’autres, qualifiés de wokes par les premiers, les remettent en question.

« Ce dialogue est quelquefois simple, quelquefois il ne l’est pas, mais fait partie de cette richesse que nous voulons mettre en débat », selon Alfon.

« La contradiction, il faut la favoriser. Si tout le monde pense pareil, ça ne fait pas un journal », abonde July. Pour boucler la boucle, ce dernier a fait son retour à Libé en janvier, comme simple chroniqueur politique.

Paul Ricard (AFP)
 

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