|

Vente aux enchères des prime time de CCTV : combien valent vraiment les consommateurs chinois ? – Par Laure de Carayon*

Vente aux enchères des prime time de CCTV : combien valent vraiment les consommateurs chinois ? – Par Laure de Carayon*

Chaque année depuis 1994, le 8 (prospérité) novembre, a lieu à Pékin la vente aux enchères des créneaux publicitaires de prime time de la chaîne nationale CCTV (China Central Television Station), qui touche 97% de la population chinoise avec environ 33% de part de marché. Si l’audience de la télévision ne cesse de baisser en Chine, au profit des chaines satellites provinciales d’une part  (leaders comme Hunan ou Jangsiu, ou même secondaires, comme Dragon TV ou Shenzhen PSTV) – qui diffusent les très populaires programmes de dating (« If You are the one ») et de jeux – et d’internet d’autre part, les annonceurs s’affrontent sous les coups du marteau, pour aller toucher les masses des villes moyennes moins riches, viviers de la croissance.

« Même les prix du porc n’ont pas augmenté autant en Chine »

Ces enchères sont un baromètre de l’économique chinoise. La réponse est là : en 2012, plus que jamais, les consommateurs-télespectateurs chinois n’ont pas de prix. Le plus haut a été atteint en 18 ans d’existence avec un montant total des ventes de 14 billion RMB, soit +12% vs 2010. « Même les prix du porc ou de l’immobilier n’ont pas augmenté autant en Chine ces dernières années » pouvait-on lire dans les médias chinois.
Un chiffre pourtant « bas » quand les croissances affichaient des +15/+18% ces dernières années. D'après Seth Grossman, Managing Director de Carat China « la confiance est soutenue, mais est aussi plus basée sur les fondamentaux business.»

BC19-Image1

Une centaine de groupes ou agents, tels SinoMedia ou Charm Communications (Groupe Aegis Media) souvent proches de l’Etat – revendiquant « de bonnes relations avec les villes et organisations gouvernementales », sont aux 1ères loges ce jour là pour faire gagner leurs clients.
China Mobile Communications Corporation (CMCC), Red Bull ou encore les pneus Hankook, sont parmi les clients pour lesquels Steven Chang, CEO de ZenithOptimedia Greater China, a obtenu des emplacements de choix. « Tous les clients passent par leur agence qui enchérit pour eux, par Groupe par exemple pour L’Oréal ce dernier fera ensuite son allocation au sein de son portfolio de marques. Le fait d’occuper un créneau n’offre  pas de condition de reconduction privilégiée. Le système repart officiellement à zéro chaque année mais les règles peuvent changer chaque année… et dans la plupart des cas, la négociation démarre avant les enchères pour sécuriser le créneau souhaité. »

Les entreprises chinoises éclipsent les grands groupes occidentaux

Jusqu’en 2008, les mastodontes de l’Ouest tel Procter & Gamble, devançaient les acteurs chinois. Mais les coupes budgétaires liées à la crise ont signé un tournant. Les groupes nationaux occupent aujourd’hui les 1ères places alors que P&G China, autrefois habitué à la plus haute marche du podium, se range en 43è position. Même si plus de budgets sont investis sur le OOH et le digital.
BC19-Image2
1er « bidder », Kweichow Moutai Distillery, suivi de China Life Insurance. Bank of China, non sans avoir bataillé contre un producteur de viande, emporte la palme du créneau le plus cher: 10’’ après le JT de 19h en Janvier et Février 2012, les mois des célébrations du Nouvel An dans le calendrier lunaire chinois, pour $12 million. La joint venture FAW-Volkswagen était le 1er annonceur, en partie international, en occupant la 7è place.

BC19-Imagede Video
"Reportage sur les enchères CCTV sur CNTV" – (cliquer, et attendre un peu le temps du chargement)

Des institutions aux nouveaux dragons

Toujours selon Seth Grossman, « alors que le Top4 des catégories reste inchangé par rapport à l’année dernière (Alcool, Food&Beverages, Assurances et Appareils électro-ménagers) et compte pour 68% du montant total des enchères, on note une baisse des investisseurs traditionnels, comme ceux de l’automobile et des cosmétiques». Grosse bataille entre groupes alimentaires – tel China Yurun Food Group – et bancaires nationaux – tel Bank of China.
Concernant l’immobilier, les acteurs soucieux de vendre des biens localement dans un 1er temps, avaient sous-investi le média national. La volonté de construire des marques aujourd’hui passe par une augmentation des investissements.
Le e-commerce – avec 360buy, ou le groupe Alibaba / Taobao qui a remporté des emplacements de 1er choix après la météo et « Topics in Focus », un programme d’information – et le tourisme, ont connu une croissance forte vs les enchères 2011.

Les boissons alcoolisées : 27% du montant total des enchères

L’alcool est devenu un produit de luxe. Les dépenses publicitaires de la catégorie, réunissant le plus grand nombre d’annonceurs, représentent 27% des enchères vs 24% en 2010, en hausse de 3 points. Les groupes chinois tels Kweichow Moutai Distillery ou encore Sichuan Gulin Langjiu Distillery, producteurs du fameux alcool de riz Baijiu peuvent se réjouir d’une demande qui croit avec la hausse du pouvoir d’achat. Ils devancent les occidentaux Diageo et Pernod Ricard.

BC19-Image3

La rivalité au sein du secteur ne peut être qu’entretenue étant donné la limitation, déjà en cours, du temps d’antenne qui lui est réservé. Pour Moutai – dont l’étiquette affiche un « corsé » 53% vol – et qui a réalisé 15% des enchères de la catégorie, un enjeu: augmenter sa couverture des plus petites villes. Le graal ? 5’’ avant les news de 19h pendant 10 mois, et un slogan: « State Liquor Moutai reports the time for you ».

Les programmes «over entertaining» dans le viseur du pouvoir

CCTV reste encore plus puissante que n’importe quelle chaîne régionale pour atteindre les centaines de millions de téléspectateurs férus de sagas historiques.
Sûre d’elle, la chaîne vient d’annoncer l’arrêt de la publicité pendant les fictions (épopées historiques et histoires d’amour), qui sont pourtant les locomotives du prime time chinois pour lesquels ces mêmes annonceurs vident leurs poches…
Et le pouvoir ne manque pas de lui donner un gros coup de pouce, qui entend bien protéger une citadelle chahutée. Ainsi durcit-il la « reprise en main » du service public contre « l’excès de divertissement » et le mauvais goût de ces programmes de dating et autres concours. Premières « ciblées » ? Ces mêmes chaines provinciales. De nouvelles directives effectives en 2012, limiteront à deux heures le temps d’antenne des programmes de divertissement en prime time, et imposeront deux heures de news en soirée. Allez, on se détend, bonne soirée !

*Fondatrice de China Connect. La 2è édition a lieu les 22 et 23 Mars 2012 au Centre Culturel de Chine à Paris

La newsletter

Toute l'actualité des médias et de la publicité chaque jour

S'inscrire gratuitement
Newsletter
Adwanted Inscription